Le Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone (CERMF) explore la situation des pays d’Afrique centrale et de l’Est, après un premier volet sur l’état économique de l’Afrique de l’Ouest francophone.
L’état des lieux s’y avère contrasté, avec une activité parfois en forte baisse, selon Ilyes Zouari, spécialiste du Monde francophone, président du CERMF. Il détaille les raisons, au-delà de celles imputables aux effets de la pandémie. En Afrique centrale francophone, la croissance globale a elle aussi connu une forte baisse, passant de à 2,2 % en 2019 à -3,3 % en 2020.
Au Cameroun, qui dispose de l’économie la plus diversifiée de la région, la croissance a été négative en s’établissant à -2,5 %. Avec une variation annuelle du PIB qui devrait continuer à être en moyenne deux fois plus favorable que celle du Nigeria voisin, comme depuis plusieurs années, le Cameroun devrait lui aussi, prochainement, dépasser ce pays en termes de richesse par habitant, rejoignant ainsi la Côte d’Ivoire et très probablement le Sénégal (le PIB par habitant du pays étant de 1 507 dollars début 2020).
Pour sa part, la République démocratique du Congo (RDC), première économie d’Afrique centrale francophone, a enregistré une croissance négative de -1,7 % (contre 4,4 % un an plus tôt). Bien que le ralentissement de l’économie y ait été assez limité, comme au Cameroun, il n’en demeure pas moins que ce taux reste plutôt décevant pour un pays qui se classe parmi les plus pauvres du continent (581 dollars par habitant, début 2020).
Le cas très particulier de la Guinée équatoriale
En zone CEMAC, la variation du PIB est passée de 1,4 % en 2019 à -3,8 % en 2020, Guinée équatoriale incluse (ou de 2,7% à -3,0 %, hors Guinée équatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas très particulier qu’il convient régulièrement de rappeler, car de nature à fausser l’interprétation des statistiques régionales.
Peuplé d’environ un million d’habitants, seulement, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir rapidement sa production commencer à décliner, au début des années 2010.
N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il a donc connu une forte chute de son PIB et aligné une sixième année consécutive de croissance négative (-9,0 % en 2020, pour une moyenne annuelle de -7,5 % sur les six dernières années).
Les performances encourageantes du Gabon
Au Gabon, la croissance est passée de 3,9 % en 2019 à -2,4 % en 2020, et devrait connaître un rebond à 1,9 % en 2021. Bien que modéré, ce rebond constitue néanmoins une meilleure performance que celle attendue par les deux grands et proches pays pétroliers que sont le Nigeria et l’Angola. Une situation qui s’explique notamment par les efforts réalisés en matière de diversification (Plan stratégique Gabon émergent – PSGE), qui lui permettent d’afficher régulièrement une croissance hors hydrocarbures supérieure à celle de ces deux autres pays. Sur la période de six années 2015-2020, la variation totale du PIB s’est ainsi établie à 1,4 % en moyenne annuelle pour le Gabon, contre 0,3 % pour le Nigeria et une évolution négative de -1,5 % pour l’Angola (dont les prévisions de croissance pour 2021 s’établissent à 1,1 % et à 0,9 %, respectivement).
Le Congo pénalisé par l’absence de réformes courageuses
Si le Gabon et le Cameroun s’emploient à réformer et à diversifier leur économie, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été réellement entrepris au Congo voisin (tout comme en Guinée équatoriale), qui a enregistré une évolution fortement négative de son PIB de 8,9 %, après avoir déjà enregistré une baisse assez importante de 3,5 % l’année précédente (et dont la croissance devrait également être négative en 2021).
Une baisse importante du PIB qui traduit l’absence de réformes économiques profondes et courageuses, comme l’atteste le fait que le pays continue à occuper l’une des dernières places du classement Doing Business, en arrivant 180e sur un total de 190 pays étudiés (et se classant donc, à peu près, au même niveau que l’Angola, 177e, ou encore que la RDC, 183e). Autre conséquence de ce manque de réformes, le Congo a vu sa dette publique considérablement augmenter en 2020, passant de 83,7 % du PIB fin 2019 à 104,5 %, selon les dernières estimations du FMI, et rétrogradant ainsi à la septième place des pays les plus endetté du continent (lui qui était déjà en huitième position un an plus tôt, ainsi que le pays francophone le plus endetté d’Afrique).
Quand la France méconnaît la RDC…
Cette faible présence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et pour lequel l’Hexagone n’est que le 11e fournisseur et le 24e client (ne pesant que pour moins de 2 % du commerce extérieur annuel du pays, contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone, et ce… au plus grand bénéfice d’autres puissances.