Le 18 mars dernier, en ouverture du Forum Afrique, Sandrine Sorieul, Directrice générale du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), a présenté le classique – et attendu – Baromètre annuel du CIAN sur l’économie africaine.
D’emblée, ce baromètre montre bien sûr que les entreprises d’Afrique ont été affectées par la Covid-19, mais aussi que les entrepreneurs du continent ont su réagir et affichent un optimisme raisonné. Réalisé auprès de dirigeants de filiales africaines d’entreprises internationales avec le soutien des adhérents du CIAN, mais également le réseau des Chambres de commerce franco-africaines, la Team France Export, Business France et les Conseillers du commerce extérieur, ce baromètre annuel traduit l’état de la conjoncture et du climat des affaires en Afrique.
Il est d’autant plus intéressant qu’il englobe tout le continent car, comme le relève Sandrine Sorieul, « les entreprises françaises sont vraiment présentes dans toute l’Afrique, et non pas uniquement en Afrique du Nord et de l’Ouest, comme on le croit souvent » – le CIAN se félicite d’ailleurs de compter des adhérents dans les 54 pays du Continent. Cette année, précise-t-elle encore, « on ne pouvait ignorer la crise sanitaire et l’on a donc ajouté une question sur l’impact de la Covid, même si l’Afrique a été le continent le moins affecté par la pandémie en termes de contaminations et de décès ». « La crise a eu beaucoup d’impact sur le secteur informel et la grande pauvreté », observe-t-elle cependant, bien que cela ne se traduise pas dans ce baromètre consacré exclusivement aux entreprises.
Des secteurs sont toujours à l’arrêt comme le transport aérien et le tourisme
Selon le baromètre du CIAN, trois points essentiels sont à retenir sur l’économie africaine en 2020, explique Sandrine Sorieul. Au début de l’année, la Chine a moins acheté de matières premières puisqu’elle avait verrouillé son économie, ce qui a eu bien évidemment un impact négatif sur les exportations des pays producteurs de matières premières; des secteurs ont été contraints à l’arrêt – et certains le sont toujours – comme le transport aérien, le tourisme et le tourisme d’affaires, activités importantes pour les capitales africaines. enfin, l’éducation et le commerce ont été sérieusement touchés puisque, dans certains pays, les écoles sont restées fermées pendant un an. En revanche, les entreprises qui produisent des denrées alimentaires de base s’en sont relativement bien sorties, et le transport, la logistique et le BTP ont désormais repris leurs activités.
Pour 87 % des chefs d’entreprise interrogés, la Covid a plus ou moins gravement affecté leurs activités, avec quelques disparités régionales. Plus de 70 % des dirigeants d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale estiment en effet que l’épidémie a grandement perturbé leurs activités et fortement impacté leurs revenus ; en revanche, en Afrique de l’Ouest et en Afrique australe, l’estimation de l’impact négatif est plus tempérée.
Au total, 56 % des entreprises annoncent pour 2020 un chiffre d’affaires en net retrait par rapport à 2019. Mais ce baromètre révèle encore de réelles disparités géographiques : l’impact a ainsi été assez contenu en Afrique du Sud alors que le Nigeria, deuxième locomotive économique du Continent, a davantage souffert des effets de la crise en raison de sa dépendance au pétrole. « Notons enfin que la Côte d’Ivoire, qui a connu pourtant une année électorale assez tendue, voit malgré cela 50 % de ses entreprises conserver leur chiffre d’affaires », relève la DG du CIAN.
Un optimisme raisonné malgré une récession annoncée de – 2,1 %
S’agissant des prévisions sur le business, cette enquête démontre qu’au dernier trimestre 2020, période durant laquelle s’est effectuée l’étude, « quelque 60 % des chefs d’entreprise espèrent (encore) un exercice 2020 à l’équilibre ou bénéficiaire, ce qui montre la résilience du Continent – nombreux sont d’ailleurs ceux qui durant l’année 2020 ont mis en place de nouvelles offres ou une digitalisation de leur entreprise, ce qui leur permet d’envisager une année 2021 meilleure », observe Sandrine Sorieul.
En fait, une récession de – 2,1 % est annoncée sur le Continent pour l’année 2020, alors qu’avant la pandémie, les prévisions de croissance pour 2021 s’élevaient à 3 %. Mais, commente Sandrine Sorieul, « On est moins dans la crise. Là, on est dans la reprise… ».
Justement, quelles seront les économies les plus dynamiques en 2021 ? « L’Egypte par exemple, qui attire beaucoup d’investissements directs étrangers en ce moment. Deux pays apparaissent, en revanche, en panne : la Tunisie, très marquée par l’arrêt du tourisme, et la Centrafrique » qui a, elle aussi, connu en décembre dernier une période électorale sérieusement troublée. La Directrice générale du CIAN se montre cependant plutôt raisonnablement optimiste, au regard des résultats de cette étude : « Les infrastructures continuent toujours de se renforcer, note-t-elle. Les projets sont financés par l’aide publique au développement et cela avance bien : les routes s’améliorent, les ports fonctionnent, les télécoms et l’accès à l’Internet sont plutôt satisfaisants [mais] l’Afrique Centrale reste néanmoins toujours un peu en retard sur le reste du Continent ».
Reste que de nombreux pays sont toujours pénalisés par le coût de l’électricité, lié à l’insuffisance de la distribution : « Les entreprises, explique-t-elle, ont donc besoin de pallier le manque ou les pannes fréquentes d’électricité par des groupes électrogènes, qui renchérissent leurs coûts de production. Cela demeure un handicap important », estime Sandrine Sorieul.